literature

[AX] Les reves ne meurent jamais : Drawn

Deviation Actions

HynekVictorian's avatar
Published:
329 Views

Literature Text

Drawn (ancien. "Partie 1 :Koyaanis")

Drawn ouvrit les yeux.

Une fois de plus, c’était la même salle. Les mêmes glyphes étranges au mur, gravés en bas-relief dans la pierre jaune, rendus singulièrement saillants par la lumière émanant du divan d’ivoire au centre de la pièce. Danjel, le sage, était présent, s’affairant près de compartiments remplit de cristaux luisant d’un puissant vert électrique. Deux autres personnes occupaient l’espace : un grand elfe en armure rutilante, au regard profondément triste, qui tentait tant bien que mal de rendre sa stature moins imposante pour laisser de la place à la seconde personne, sans doute la marque d’un grand respect.

La créature à qui était destiné cette soumission était une femme, vêtue d’une immense robe de satin dont les manches trainaient dans la poussière de l’alcôve. Un diadème forgé dans un curieux métal orange parcouru de filaments iridescents, ciselé et serti de petites gemmes rougeâtres qui reflétaient la lumière dégagée par le meuble insolite et les machines de Danjel, ceignait son front. Son visage d’une beauté irréelle présentait une sérénité inébranlable, et son port trop droit la faisait paraitre fragile à côté de son garde.

Le seul mot qu’évoquait cette femme à Drawn était « pureté », et il lui semblait que rien au monde ne pouvait égaler celle de son incarnation, qui se trouvait face à lui.

Drawn fit ce qu’il était convenu de faire, c’est-à-dire attendre que Danjel termine son ouvrage. Le bruit atténué d’un combat parvint à ses oreilles : plus haut, le métal s’entrechoquait, des guerriers criaient leur rage comme leur douleur, des corps tombaient lourdement sur le sol. Drawn entendit d’autres bruits plus évocateurs de l’horreur de la situation à l’extérieur, mais préféra les oublier dès l’instant ou son imagination commençait à se charger de lui représenter la scène.

Danjel s’arrêta brusquement de triturer ses cristaux –  ce seul arrêt fit sursauter l’assemblée – se releva, et tourna gravement la tête vers la dame blanche. Celle-ci soutint son regard, et s’avança vers la plateforme lumineuse, qui irradiait maintenant la pièce d’une aura émeraude. Dans un des panneaux de la machine – car il s’agissait vraisemblablement d’une machine – Danjel prit deux tubes cristallins à la pointe effilée. Contrairement à bon nombre d’élément de la pièce, ils n’émettaient aucune lumière, et semblaient au contraire l’aspirer. Apres un examen plus attentif, Drawn remarqua que ce n’était pas qu’une impression : la clarté disparaissait à ses yeux sur les contours des deux objets.

Peu à peu, les cristaux se mirent à devenir de la même couleur que la couchette. La frêle femme en prit un dans chaque main, puis les fit s’entrechoquer doucement à hauteur de ses yeux, avant de les rendre à Danjel. La mine sombre, ce dernier se mit à hocher de la tête en silence, comme pour répondre à une question que personne n’avait posé. « Elle » s’entendit alors sur le divan d’ivoire. Son regard gris parti du plafond de la pièce pour se poser dans celui de son garde, aussi froids l’un que l’autre, puis repartit dans la direction de Danjel pour lui sourire, sourire qu’il semblait dans l’incapacité de rendre.

Au lieu de cela, il s’approcha du bord de la couchette lumineuse, levant les deux pointes de verre, qu’il enfonça brutalement dans les épaules de la dame blanche. Toute la pièce émit alors un flash aveuglant qui acheva de bruler la rétine des yeux de Drawn, tandis que la femme se raidissait de douleur avant de s’affaisser. La machine se mit à produire un son lourd, envahissant, perdu dans les basses fréquences et pourtant strident, des morceaux de roche auditive arrachant des lambeaux de tympans à la petite assemblée.

La lumière devient si intense qu’elle sembla en devenir solide. Et c’est ce qu’elle fit : dans un craquement, les halos se métamorphosèrent en fumerolles, tortillant leurs volutes aux frontières de l’espace aérien confiné, entourant peu à peu la ravissante créature aux clavicules fendues.

Drawn tressaillait par instants à l’idée que le sage l’avait tué.

La plainte de la machine se mua en un imposant bourdonnement autrement assourdissant. Curieusement, personne ne semblait décidé à faire quoi que ce soit. Ce fut la machine qui eut l’initiative, quand son bourdon cessa brusquement, à l’instant exact ou un assaillant franchit l’unique ouverture pratiquée dans l’alcôve pour se jeter sur le garde. Comme au ralenti, Drawn vit la patte effilée du monstre fendre le flanc de l’elfe en armure, sans rencontrer de résistance apparente de la part de cette dernière, le corps chuter doucement en arrière, tandis que la dame blanche se redressait. Elle n’avait plus grand-chose d’humain : sa peau était devenue blafarde, son physique avait perdu de sa grâce pour revêtir un aspect menaçant. Dans ses orbites, ses yeux formaient un halo de lumière verte émeraude.

L’énergie semblait vibrer autour d’elle, affluant de son nouveau corps. Elle leva le bras en direction du récent arrivant, qui entreprit de bondir sur elle. Un flux d’énergie couru depuis le cristal dans son épaule, le long de son bras, se sépara dans chacun de ses doigts avant de jaillir en une éblouissante déflagration qui pulvérisa l’arachnomorphe, ne laissant de lui qu’un tas de chair informe visiblement privé de vie.

Alors, « Elle » se leva de la couche d’ivoire et quitta l’alcôve, laissant Danjel aussi serein qu’elle l’avait été de son vivant, son garde aussi mort que ce qu’elle aurai dû être, et Drawn entre les deux, emplit d’un doux sentiment d’incompréhension et de stupéfaction, mêlé à la désolation et la joie, sentiments plasmatiques dans son esprit endommagé, qui se chargea de mettre un terme à sa vision.

Il était avec Danjel et les autres, dans la même salle. A ceci près qu’il ne s’agissait pas de la même salle.

-Cette chambre a été retrouvée il y a peu, murmura le sage comme pour a lui-même, obligeant Drawn et ses compagnons à tendre l’oreille pour le comprendre. Il s’agit du même mécanisme qui a changé Koyaanis en… ce que vous avez vu. Notre but aujourd’hui est de le remettre en état de marche… et de s’en servir. »

Ce disant, il se mit à triturer des commandes sur les panneaux de cristaux découverts dans les murs, auquel seules de rares personnes pourraient trouver une utilité. Dans un claquement, suivi d’un choc qui ébranla toute l’alcôve en faisant tomber de  la poussière des murs, la couchette d’ivoire et les panneaux cristallins s’illuminèrent d’un joli bleu nacré. Aux yeux de Drawn, la douce luminosité ainsi établie évoquait des pressentiments désagréables.

Le fait est que l’instant présent et la métamorphose de Koyaanis étaient séparés par une grande distance sur la ligne du temps. Plusieurs siècles, aux dires de Danjel, ce qui n’était pas sans perturber Drawn au sujet de la présence du sage dans sa vision. Thanador fut visiblement aussi troublé que lui, car il posa justement la question a Ashtern, qui évidement n’en savait pas plus

Le jeune garçon et l’elfe étudiaient tous les eux à l’université de San’Caudor, dans les écoles adjacentes de magie théorique et d’art martiaux, deux vocations relativement éloignées qui les avaient pourtant rapprochés. Drawn les connaissait bien, particulièrement Thanador avec qui il avait fait ses classes.

Contrairement à la majorité des elfes, ce dernier gardait ses cheveux courts, et présentait par ailleurs une musculature imposante, même selon les critères humains. Sa force peu conventionnelle le surprenait lui-même, ce qui avait des répercussions sur l’intégrité physique des autres élèves, du matériel d’entrainement, des professeurs, des portes et des murs des salles de pratique… De plus, sa grande taille le forçait a systématiquement se baisser à chaque entrée de bâtiment sous peine de fêler les linteaux. Pourtant, il avait conservé le port gracieux propre à sa race, et son visage aux traits réguliers accusaient une certaine bonté, voire de la candeur.

Ashtern, quant à lui, était d’apparence fragile, surtout lorsqu’il se déplaçait avec Thanador, c’est-à-dire la majeure partie du temps. Cependant, son regard gris incitait les esprits faibles à fuir plutôt qu’à chercher à savoir ce qui faisait vraiment sa force.  Le visage perpétuellement glacé, ne laissant transparaitre aucune émotion, il faisait preuve d’une discrétion proche de l’effacement. Thanador attribuait cela a une certaine paranoïa – ce qu’il ne manquait pas d’argumenter en déboitant l’épaule d’Ashtern d’une claque dans le dos.

*** Partie perdue ***

Se demandant encore comment une statue avait pu l’interpeller, Drawn prit l’initiative de fuir tranquillement dans la direction pointée par le canon de l’arme le menaçant. Il prit donc la route couverte de bitume.

 L’air frais lui faisait du bien, et il put admirer à loisir les jeux d’ombre et de lumière formés par les vignes sur les murs blancs crépis des vieilles masures. Une fontaine asséchée laissait rouiller ses becs de fer et verdir ses rebords de cuivre. Plus loin, des massifs de bignones dégageaient une intense senteur poivrée et amère. Le revêtement incomplet, à force d’usure, de la route, laissait apparaitre un antique pavage qui exerçait il y a longtemps le même métier que l’épaisse couche de pate noire durcie qui le recouvrait.

 Le rêveur arriva à un carrefour en Y, marqué par un grand bac de grès bourré de fleurs multicolores s’épanouissant follement et débordant du récipient par tous les moyens.

-Il est la ! Il est la !

Drawn vit de nouveau l’apparition grotesque, cette espèce de milicien qui courrait maintenant vers lui avec une démarche de canard, l’air encore plus fou qu’avant, son fusil se balançant furieusement d’avant en arrière. Deux miliciens joufflus, peinant également a courir, le suivaient tant bien que mal.

Devant l’aspect de la scène, Drawn ne put s’empêcher de rire, mais autre chose se chargea de l’arrêter. Prit d’un mutisme soudain, il ne put que contempler, la bouche ouverte, sa main droite qui se tendait doucement vers les miliciens, comme mue par une force extérieure. Cette même force qui fit jaillir de ses doigts une déflagration qui fragmenta ses assaillants, la route, le crépi des murs, la lumière, le ciel ainsi que l’ensemble de son rêve.

Il se trouvait dans la pièce à la table d’ivoire, devant la sortie, face aux restes peu identifiables de trois monstres. Haletant, horrifié, il resta longtemps dans la pièce, ses yeux allant des cadavres aux débris, considérant le théâtre d’une violence extrême. Sa vision était nimbée d’une lueur bleue, comme si les torches brulaient de lapis, et son souffle se faisait rauque, plus métallique, de plus en plus puissant. Une incroyable énergie parcourait son être. Allié au dégout total que lui inspirait le contenu de son champ de vision, cela donnait un sentiment de rejet intense, qui eut pour effet de propulser Drawn hors de la crypte, a l’air frais.

Satisfait d’avoir quitté l’endroit si promptement, Drawn se souvint des quelques heures qu’il avait passé à parcourir des galeries sombres et réduite à l’effondrement imminent avec le sage et ses amis.

Retenant un vomissement, il s’agenouilla dans l’herbe : de toute évidence, il s’agissait de la réalité. Stupéfait, mais cependant bien plus concentré sur le besoin de quitter l’endroit, il s’enfuit vers les montagnes, courant le plus vite possible, ce qui représentait maintenant une vitesse considérable.

 

 

Réécriture d'un des tout premiers écrits concernant Dhrona ab Kraïd. Dans l'organisation que j'ai par la suite imposé dans la construction de l'intrigue, il s'agit d'un morceau de la troisième partie, "Les rêves ne meurent jamais". Le titre de la troisième partie provient des circonstances dans lesquelles "Drawn" a été écrit.
"Drawn" est la retranscription la plus fidèle possible d'un rêve subit en 2008 dont je me suis souvenu après mon réveil. Il est donc écrit d'une traite depuis ces souvenirs. Dhrona ab Kraïd existait déja depuis 2004, sous forme d'idées, de dessins trop mauvais pour faire l'objet de deviations, et de quelques essais incomplets, mais "Drawn est la première réalisation textuelle digne de ce nom.

Les péripéties ont détruit le support sur lequel j'avais écrit initialement, alors ce travail de réécriture se targue d'un grand trou, en plein milieu, sans raison.
Soyez indulgent, c'est probablement le texte le plus mauvais que je poste sur dA, et il même s'il ne s'agit pas de mes premiers écrits, ça n'en est pas loin :3
© 2014 - 2024 HynekVictorian
Comments0
Join the community to add your comment. Already a deviant? Log In